Un atelier dédié aux journalistes qui interviennent en classes

Média Animation a organisé un atelier TADAM le 20 février 2025 au pôle d’éducation aux médias et à l’information de l’ESJ Lille, à destination des journalistes intervenants auprès des publics lors de session d’éducation aux médias et à l’information.

Intitulé « Réflexion sur les rôles positifs et négatifs de l’IA dans la production médiatique et sur la manière dont l’éducation aux médias pourrait y répondre », l’objectif principal de l’atelier fut de favoriser une méthodologie ascendante en mobilisant les professionnels et praticiens locaux par la collecte de représentations et de défis, ainsi que de bonnes pratiques locales et concrètes liées à l’éducation aux médias et à l’information, en mettant l’accent sur l’IA et les algorithmes. Cela contribue à l’impact plus large de l’amélioration des stratégies d’éducation aux médias et de la promotion d’un engagement informé et critique envers les environnements médiatiques pilotés par l’IA.

Il fut d’abord proposé aux participants de partager une anecdote vécue dans un contexte professionnel ou personnel dans laquelle il ou elle s’est rendu.e compte qu’iel interagissait avec une IA et ce que cette prise de conscience a provoqué comme changement de perception. Différents aspects furent discutés tels que la manière dont on s’adresse à l’IA et l’impact sur la réponse ; le fait de ne pas personnifier l’IA ; un certain enthousiasme face au gain de temps généré pour des tâches chronophages ; le manque de temps pour les participants pour découvrir chaque nouveauté, chaque nouvelle IA ou outil mis sur le marché.

Ensuite les participants ont joué le jeu des “chapeau de Bono” en sous-groupe et ont pris un rôle pour identifier les enjeux posés par l’IA et son impact sur la production et réception de l’information. A partir d’un portefeuille d’articles proposés ou à partir de leurs propres connaissances, ils ont dû identifier les enjeux d’un point de vue sceptique, optimiste, créatif et émotif. Les enjeux identifiés furent ensuite partagés collectivement.

Vision optimiste

La vision optimiste a permi d’identifier que l’intelligence artificielle est un outil d’assistance pour le journalisme, permettant la traduction, la retranscription, la génération de titres et de résumés, ainsi que l’aide à la relecture et à la réécriture, offrant ainsi un gain de temps sans remplacer l’humain. Son utilisation doit être encadrée par des chartes éthiques, garantissant une vérification et une validation humaines. Elle transforme les métiers en demandant plus de polyvalence et en impliquant une montée en compétences plutôt qu’un remplacement des emplois. Par ailleurs, elle pourrait favoriser l’émergence de médias de niche et soutenir l’information locale en élargissant la couverture médiatique sur des événements auparavant peu couverts. Enfin, le développement de nouvelles compétences, comme la maîtrise du prompting, devient essentiel pour les journalistes et communicants. L’IA représente donc une évolution du journalisme, comparable à l’invention de l’imprimerie ou du traitement de texte, nécessitant une approche réfléchie plutôt qu’un rejet total.

Vision sceptique

Le sous-groupe sceptique a lui présenté les éléments suivants : L’intelligence artificielle suscite moins de scepticisme sur ses capacités que sur les intentions des entreprises qui la développent. Son accélération des processus entraîne un risque de submersion de l’information, notamment par la multiplication des fake news visant à influencer le débat public. Entre de mauvaises mains, elle peut devenir un outil puissant de manipulation, comme l’ont montré certaines élections ou événements politiques. Son impact sur l’emploi est également une préoccupation majeure : l’automatisation remplace progressivement certaines tâches comme la relecture, la traduction ou la retranscription, soulevant la question de la disparition de certains métiers. Par ailleurs, l’IA favorise-t-elle réellement une plus-value journalistique en matière d’écriture ou se contente-t-elle d’augmenter la productivité ? Un autre défi réside dans le risque d’auto-alimentation de l’IA : si elle se nourrit principalement de ses propres productions, la qualité de l’information pourrait se détériorer. Contrairement aux connaissances scientifiques validées par les pairs, les contenus générés par l’IA manquent souvent de validation rigoureuse. Enfin, son impact environnemental reste mal quantifié, et l’efficacité du gain de temps est discutable si tout doit être vérifié par la suite. Ces défis soulignent la nécessité d’une approche réfléchie et encadrée de l’usage de l’IA dans le journalisme et l’information.

Vision créative

La vision créative a mis en exergue que l’essor de l’IA soulève de nouvelles questions sur l’éducation et la régulation. L’art du prompt pourrait-il devenir une matière scolaire, enseignant aux élèves comment interagir efficacement avec ces outils ? Une approche complémentaire serait de rendre l’éducation aux médias et à l’information (EMI) obligatoire dès le plus jeune âge, afin de former les enfants à l’utilisation et à la compréhension de l’IA. En matière de régulation, on pourrait imaginer une IA auto-régulée, fonctionnant comme une « police de l’IA par l’IA » avec un corpus de règles absolues et inviolables, garantissant honnêteté et impartialité. De plus, l’IA elle-même pourrait être sollicitée pour trouver des solutions aux problèmes qu’elle génère, favorisant ainsi un contrôle autonome. Enfin, son potentiel en matière de communication est immense : à partir d’un contenu brut, elle permet d’adapter et de décliner les informations pour différents publics, démultipliant ainsi l’audience. L’IA n’est pas seulement un défi, mais aussi une opportunité de réinvention et de création de nouveaux métiers.

Vision émotive

Enfin le sous-groupe émotif a pointé le fait que l’IA impose le développement de nouvelles compétences, notamment un prompting efficace, mais aussi un certain capital culturel pour en tirer pleinement parti. Parallèlement, elle soulève des questions éthiques sur le digital labour, ces travailleurs sous-payés qui entraînent les IA en arrière-plan.Son utilisation dans des domaines comme le SEO, où elle peut optimiser un article, peut être perçue comme un atout, mais aussi comme une remise en question des savoir-faire professionnels. Plus largement, une crainte persiste : en déléguant certaines tâches à l’IA, mettons-nous notre propre intelligence de côté ? Comme le numérique a externalisé notre mémoire, l’IA risque-t-elle d’appauvrir nos capacités intellectuelles et de nous faire perdre des compétences essentielles ?

Enjeux éducatifs

En seconde partie d’atelier, sur base des travaux en sous-groupe, les participants ont été invités à se pencher sur les enjeux éducatifs : face à des contenus informationnels générés par l’IA : quelles sont les grandes questions à se poser ? Quels sont les enjeux auxquels sensibiliser ? Qu’est-ce qu’on transmet ? A quoi sensibilise-t-on? Comment accompagne-t-on la réception ?

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Un brainstorming collectif, à base d’idées partagées via des post-its, fut réalisé afin de composer la table des matières d’une séquence pédagogique. Voici les éléments qui composeraient cette séquence pédagogique :

  1. Comprendre la base :
    • Le processus de fabrication de l’info et les dessous du métier de journaliste.
    • Aborder les biais et la vérification des sources.
    • Aborder la culture du doute : le réflexe de vérification, la fiabilité de l’info, le fonctionnement de l’esprit critique, se poser la question “Qui me parle?”
  2. Fonctionnement technique de l’IA générative
    • Qu’est-ce que l’IA ? qu’est-ce que l’IA n’est pas ?
    • fonctionnement sur base de probabilités IA entraînée
    • IA entraînée sur bases de donnée, basées principalement sur des références occidentales
  3. Aborder tant les côtés positifs que négatifs des IA
    • Comment l’IA peut apporter une plus-value ?
    • Comment reconnaître une IA ? Parmi des textes et parmi des photos
    • Importance du background culturel : au plus un prompt sera précis et descriptif, au plus le résultat proposé par l’IA sera qualitatif.
    • Aborder les enjeux économiques : accès payants, que deviennent les données ? Utiliser l’IA en local ou en externe ?
  4. Comment transmettre?  Sur base de quelles méthodologies ? Propositions de méthodologies
    • Les jeunes se servent de l’IA sans le savoir → présenter des cas pratiques
    • Repartir des usages des jeunes, de ce qu’ils connaissent
    • Jeu de rôles : quels exercices pour tromper l’IA ? Comment être plus intelligent que l’IA ? Se mettre dans la peau d’un complotiste ?
    • Activités pratiques pour générer du contenu et ensuite identifier les limites, les risques vs. avantages
    • Ne pas chercher à faire halluciner l’IA (complexe), mais plutôt démontrer son fonctionnement et potentielles failles à partir de cas pratiques

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