Un atelier à Bruxelles pour éveiller à l’intérêt de l’éducation aux médias face aux enjeu de l’IA
Le vendredi 22 novembre 2024, dans le cadre des Assises Européennes du Journalisme à Bruxelles, en collaboration avec l’IHECS, Média Animation a proposé un premier atelier TADAM : « “L’éducation aux médias et à l’information face à l’IA : Info garantie sans IA ou IA vérifiée : métacommunication des journalistes sur leur usage des IA, un enjeu d’éducation aux médias ?«
Environ 60 personnes y ont participé : des journalistes, des éducateurs aux médias et des étudiants en éducation aux médias.
L’atelier proposait de questionner la communication des rédactions en général et des journalistes en particulier sur la communication qu’ils·elles font de leur usage des intelligences artificielles génératives dans leurs productions médiatiques. Les professionnel·les des médias anticipent alors les représentations de leurs audiences quant aux informations produites et participent ainsi à assurer, maintenir ou rétablir la relation de confiance entre elles·eux et leurs publics.
À partir de cas concrets et à travers des échanges entre journalistes professionnel·les, éducateur·ices aux médias et étudiant·es, l’atelier a proposé de mettre en évidence ces pratiques émergentes qui questionnent les territoires alloués à ces différent·es acteur·ices, entre prérogatives des journalistes et des éducateur·ices aux médias, conflits d’intérêts entre EAMI et pratiques journalistiques et anticipation des besoins des publics.
Grâce à la méthodologie des Six chapeaux de Bono, les participant.es furent invités à réagir aux exemples en adoptant différentes postures : sceptique, optimiste, pessimiste, créative et émotive.
Voici les grandes idées qui furent échangées lors de la rencontre :
A propos des enjeux positifs et négatifs de l’IA dans la production médiatique
Les enjeux positifs :
- L’IA permet un gain de temps pour les journalistes
- L’IA peut permettre de vulgariser, simplifier l’info, la rendre accessible, et permettre à une diversité de publics de s’approprier l’info.
- Pour les journalistes c’est intéressant de se confronter à des nouvelles technologies, pour les découvrir, se les approprier, pour pouvoir proposer des choses nouvelles à leur public. Ils doivent se confronter à ce à quoi les humains, les citoyen·es sont eux-êmes confrontés.
Les enjeux négatifs :
- En tant que lecteur, si un media admet utiliser l’IA, cela donnera l’impression de travailler dans l’urgence et cela remet en question la fiabilité de l’information
- L’IA est outil de productivité, qui a pour fonction d’automatiser les tâches du journaliste
- Crainte des effets très concrets sur l’emploi au niveau des métiers du journalisme
- Le rôle de journaliste, ce n’est pas de vérifier des informations générées par l’IA. « Je n’utilise pas l’IA personnellement. Je ne veux pas scier la branche sur laquelle je suis assise. »
A propos des biais générés par l’IA et leurs implications éthiques/déontologiques
- Etant donné que l’IA est alimentée par le contenu humain, si on est armé critiquement face à ce qu’elle génère, ça peut nous aider à avoir une bonne grille d’analyse, de critique de la société.
- L’IA permet de fonctionner comme un miroir grossissant de ces biais existants et donc comme révélateur de ceux-ci.
- En tant que lecteur, on ne peut pas être certain de la fiabilité de ce que répond l’IA (et donc ce que je pourrais lire dans les médias). Ce que les IA donnent comme info, c’est une vision du monde captée à un instant T. L’IA propose du contenu qui s’apparente à du « fast food de l’information »
- L’IA va générer quelque chose de probable mais pas de réel. Il y a un réel problème du ton péremptoire utilisé par les GPT. Les IA génératives de texte génèrent du texte, mais ne génèrent pas du vrai. Problème du ton, péremptoire, assertif
- Le problème, c’est le manque de transparence. Cela nous amène à des questions de sources basiques de journalistes. Du point de vue du public, est-ce qu’on pourrait demander une identification typographique, qui nous indique clairement lorsqu’une IA a été utilisée pour assister la production de l’information, ainsi qu’un score de probabilité de la fiabilité de l’information présente ?
A propos de la perception, la sensibilisation et les émotions du public à l’égard des résultats de l’IA
- Au plus on apprendra à comprendre et expliquer aux gens le fonctionnement réel des IA, au plus on pourra déconstruire les discours et les mythes qu’essaient de nous « vendre » les créateurs d’IA.
- L’IA se base sur les sources. La question est donc de savoir comment l’IA s’appuie sur des sources et sur quelles sources elle s’appuie.
- L’usage de l’IA pourrait avoir un effet pervers par rapport à une perte de confiance de l’information qui pourrait être délivrée par un journaliste. Quelle reste la spécificité du journaliste par rapport au tout un chacun internaute qui dispose des mêmes outils ? Où est la valeur ajoutée de cette information journalistique qui va s’appuyer sur l’IA ?
- Un effet positif, c’est qu’on s’interroge sur la production de l’information et qu’on va donc utiliser davantage notre esprit critique pour s’éduquer à l’information. Mais cela implique qu’il y ait une éducation aux médias. Et est-ce que c’est le rôle des journalistes d’éduquer à ce qu’eux-mêmes et elles-mêmes racontent ?
- Et ce qui manque actuellement par rapport à l’IA, c’est une perspective émotionnelle. La production d’information par l’IA s’inscrit dans quelque chose de très rationnel. En tant que lecteur, on lit avec des émotions, et est-ce que l’IA est capable de nous procurer des émotions ?
- Au-delà des IA génératives, l’IA au sens plus large c’est aussi les algorithmes de recommandation qui vont repérer ce qu’on aime, qui vont nous recommander du contenu et conditionner notre accès à tel ou tel type d’information en ultra-personnalisant notre expérience.
- On part du constat que de toute façon les jeunes se servent d’lIA, et qu’il y a donc lieu d’apporter une approche éducative, d’accompagnement de ces pratiques. C’est le rôle qu’on donne à l’éducation aux médias. S’ils ne font que s’aider de l’IA, là ça va. Mais s’ils confient l’ensemble de leurs productions à l’IA sans se relire, c’est une autre question. D’où l’importance de ce travail éducatif.